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J'aurais voulu aimer écrire
dans un autre genre…
 
 
 

 

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Rose trémière 


Photo : Anne-Marie Suire
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« J’aurais voulu aimer écrire dans un autre genre » fut pour moi composer une image sur ce sujet. Mais comment ?

-Aimer vouloir écrire-, me paraît être l’alliance bénie du sentiment et de la raison (si l’on ne tombe dans l’excès du volontarisme totalitaire). Aimer et vouloir se conjugue pour moi dans ce sens seulement. Mais -vouloir aimer- me paraît impossible : aimer est un surgissement du sentiment ou un penchant qui s’insinue et s’installe dans le temps.

Les amours ne se décrètent pas, tant elles gardent une part de mystère dans leurs soudaines ou insidieuses éclosions.
Bien des éléments, des circonstances sont propices à la naissance d’un l’amour, et le justifier : l’attente comblée, le hasard objectif, la proximité, le charme, l’entente, la connivence, la complicité, la satisfaction, je l’aime il me fait rire… Mais je ne crois pas la volonté capable de faire aimer… Mais sûrement ai-je tord. Et j’ai postulé sur la possibilité d’une pertinence de cette proposition.

Comment l’illustrer donc, mettre en image « j’aurais voulu aimer écrire dans un autre genre » ? Le jeu pourrais être alors celui du glissement : j’aurais aimer vouloir écrire dans un autre temps, une autre époque. Une évidence cependant… pour illustrer : il faut avoir une image… De belles roses trémières saisies dans le soleil d’un après-midi pyrénéen, parmi les bouquets d’un jardinet clôturé de larges lauzes. Les roses trémières souvenez-vous, la fleur préférée du poète Nerval. Lui qui a pratiqué bien des genres : poésie, nouvelles, textes de voyages, traductions, théâtre et opéra, romans. Avec des thèmes qui courent de l’un à l’autre et l’homme bibliophile effréné traversant la campagne du Valois de châteaux en demeures. A la recherche du livre perdu, d’une héroïne oubliée, fille du feu, à pied, à cheval, en diligence, soucieux de ces poses délicieuses dans de petites auberges qu’il décrit avec la minutie d’un entomologiste, comme il avait couru l’orient mystérieux, lui l’amoureux des rêves et des légendes. Il haussa jusqu’à perdre la raison sa volonté de mêler tous les mythes, toutes les déités et les rêves au réel. Le réel, celui là même que ces contemporains prennent pour la matière première de leurs livres naturalistes (Zola, Maupassant).
Peut-être, dans l’image proposée, cette référence à Nerval, y a-t-il eu une invitation souterraine, on dira au XXème siècle inconsciente, à inscrire quelque chose d’un impossible à réaliser le projet. C’est que ce poète se perd de la manière la plus existentiel, à vouloir lier le disjoint, le rêve au réel.

Les surréalistes, quant à eux ne souhaitèrent plus les lier mais nous donnent l’injonction de prendre le rêve plus fécond et porteur d’avenir pour le réel en devenir.
Ainsi Nerval avait ouvert, à la poésie, la porte que franchiront Baudelaire et Mallarmé pour impulser le grand saut vers la modernité et sa rupture. Le «  rêve super-naturaliste » de Nerval après quelques détours, ailleurs et plus tard, ne fut pas sans résonner d’échos avec le surréalisme de Breton.

Pour revenir à la matérialité de l’image (numérique sic), elle s’offre donc dans une dualité de couleurs rouge et vert, les couleurs du poète, fondu de bleu et de gouttes, flou artistique… dualité de la photo des roses en noir et blanc et en couleur. Et pour souscrire au romantisme finissant de ce 19ème siècle, le médaillon cerné de petites fleurs.
Un brin de nostalgie passéiste, car la question « d’un autre genre », à la fin du 20ème siècle et encore, se pose, je pense, en d’autres termes.

Aujourd’hui n’est-ce pas plutôt la question de l’hybridation des genres, de la transgression des démarcations.

Alors, si vous avez « voulu écrire dans un autre genre », pourquoi ne pas essayer le poème-nouvelle, le roman immobile-notes de voyages, l’autobiographie fantastique, l’essai philosophique de la série rose, la note de service palimpseste rimée des circulaires successives et plusieurs fois contradictoires. Et autres compositions à inventer…

Inventez Ecrivez…

Anne-Marie Suire

 
 
 

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dans un autre genre…

 

 

 

 
 


« J’aurais voulu aimer écrire dans un autre genre »

Conditionnel est le pays de l’illusion. Mais qui m’empêcherait, parfois, de partir en voyage dans cette contrée-là ? Le voyage est facile, point besoin d’avion ni de bateau, de car ni d’auto ! Pour se rendre au Conditionnel, il suffit de penser… au conditionnel. Si rapide qu’avant d’avoir réalisé la pensée, je suis arrivée. Déjà ? Fantastique ! Cependant le pays est soumis à trois temps différents… Voyons, voyons, je voudrais bien aller… C’est bon, je sais, je vais aller visiter cet endroit où j’ai toujours rêvé de faire un séjour. Je vais déambuler au : « j’aurais voulu aimer écrire dans un autre genre ». Et le genre est : Polar ! Noir. Sa couleur est le noir. Écrire du noir, du très noir empli de vertiges et de peurs. À l’opposé de mon écriture habituelle que je m’obstine à habiller en couleurs.

Dans mon polar, il y aurait un trafic de cocaïne dirigé par Hyppolite : jeune black d’origine camerounaise beau comme un dieu, qui mènerait sa bande de dealers tout en apprenant à jouer de la trompette. Il y aurait un odieux type très riche, une femme fatale et, parmi toute une série de personnages secondaires médiocres et veules, une pute au grand cœur. Mais quoi, j’oublie l’essentiel ! Il me faudrait un héros, si possible récurrent, à qui, de livre en livre, je ferais traverser de multiples aventures. Un héros solitaire et désabusé, un commissaire style Jean-Baptiste Adamsberg, né dans « L’homme aux cercles bleus » de Fred Vargas. Ou alors le héros serait une héroïne, pourquoi pas une vieille dame observatrice, genre la Miss Marple de cette chère Agatha Christie mais en plus foldingue. Aie ! Me voilà déjà avec un premier problème à régler. Qui choisir comme personnage principal ? L’affaire est délicate…

L’action démarrerait dans les quartiers nord de Marseille… où l’on retrouverait le corps criblé de balles d’une fille de dix-huit ans un matin au pied de sa tour. Pour trouver le ou les criminels, le commissaire Antoine Zacchetti, d’origine corse, célibataire trapu aux yeux bleus, teigneux et susceptible serait chargé de l’enquête. Au fait, tiens, à y réfléchir, pourquoi pas deux personnages principaux ? C’est ainsi qu’apparaîtrait sur la scène du crime Rose Pugon, la voisine de la jeune fille assassinée. La voici ma charmante vieille dame ! Au demeurant, très distraite quant à ses propres affaires, mais d’une vigilance remarquable pour tous les évènements extérieurs. D’autre part, la gracile mémé aux cheveux gris connaissant tout son monde et les moindres recoins de la cité, elle révèlerait fort à propos un redoutable sens de l’analyse.

Le commissaire, lui, aurait bien du mal à mener son enquête qui le conduirait de Marseille à Paris. Au passage, il se laisserait séduire par une énigmatique et magnifique femme brune toujours habillée de rouge. Mais ses recherches l’amèneraient également dans une ruelle du centre de Madrid. Une rue pittoresque, tout ce qu’il y a de plus tranquille le jour mais se transformant, dès la nuit tombée, en vitrine du sexe tarifé à ciel ouvert. C’est là, accompagnée de la femme en rouge, qu’il apprendrait que la jeune marseillaise, peu avant d’être tuée, s’était retrouvée sur le trottoir espagnol. Zacchetti ferait également un court séjour sur l’île de Majorque pour interroger dans une résidence de rêve un industriel français très fortuné qu’il soupçonnerait d’être mêlé à diverses escroqueries immobilières, au trafic de drogue de Marseille et au meurtre de la gamine. Entre-temps, à Marseille justement, il y aurait un autre crime : celui d’un des dealers, puis la tentative d’assassinat sanglante d’un voisin trop curieux. La vieille dame, elle, sans quitter son HLM découvrirait le business parfaitement rôdé de sa cité en interrogeant discrètement les habitants… et en se lançant dans des filatures risquées après un pacte inattendu avec Hyppolite. Ainsi elle finirait par comprendre pourquoi Leïla, sa juvénile voisine trop jolie, si sexy mais déjà accro à la coke, avait été liquidée, tout comme le jeune dealer. Au final le commissaire et la vieille dame, un peu par hasard, se rencontreraient et résoudraient l’énigme des deux crimes et de l’assassinat manqué. Zacchetti mettrait fin au trafic de drogue du HLM… qui reprendrait un peu plus loin, dans une autre cité marseillaise… Cependant, un polar, n’est jamais assez trop noir et la morale n’y trouve pas toujours son compte ! Aussi, le cynique industriel de Majorque arriverait à échapper à la police et se ferait oublier dans une île du Pacifique… Rose reprendrait sa vie tranquille tandis qu’Hyppolite rejoindrait en tant que trompettiste un groupe de musiciens. Antoine, pour oublier son enquête et sa vie… s’offrirait en compagnie de la pute au grand cœur une cuite mémorable dans un bar de la Pointe Rouge.

Tout compte fait, j’aurais bien voulu aimer écrire un polar avec quelques clichés et clins d’œil à de grands classiques. Sauf qu’écrire un polar demande de sacrés détails pointus dans plusieurs domaines : balistique, infos scientifiques, des renseignements sur le milieu du banditisme… sur le système policier, médico-légiste, juridique, de la méthode, beaucoup de rigueur sans oublier d’ajouter à l’histoire, un zeste de philosophie et de l’humour.

D’autre part, je me demande si ce côté sombre de l’existence, des personnages sordides, une ambiance malsaine, ne me mettrait pas durablement mal à l’aise. Alors plonger pour un temps indéterminé dans la fabrication d’un roman policier…

Enfin, mener un polar de bout en bout demanderait une telle persévérance… tant d’énergie… peut-être suis-je un peu paresseuse pour me lancer dans un tel travail !

 

Tome 2 : Aux dernières nouvelles, Rose Pigon sur l’insistance de ses enfants et petits-enfants a quitté son HLM et les quartiers nord de Marseille pour venir s’installer dans une copropriété du quartier de la Pointe Rouge… à deux pas du bar préféré d’Antoine Zacchetti. Cela va faire à peu près un an qu’elle s’est installée à deux pas de la mer, quand, un soir, en revenant d’une promenade au bord de la plage, elle tombe sur un homme d’une cinquantaine d’année blessé de plusieurs coups de couteau, en train d’agoniser contre un container à poubelles. L’homme blessé à mort a juste le temps de lui murmurer : « berlingo » avant de décéder. Zacchetti est chargé de l’affaire…

Jeannine Anziani

 

 
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