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Séminaire :

Invitation à Pascal Bonneau

 

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Cette page donne un aperçu
de nos ateliers de réflexion
et de préparation des numéros à venir...

          
Crédits photos
Jeanninne Anziani , Odette et Michel Neumayer

 
 

 

Samedi 16 mai 2009
Déroulement de l'atelier "Archives d'avenir"
1 – À partir des photos exposées par Pascal Bonneau, on note des phrases, des impressions, des remarques, sur des feuilles déposées à côté à cet effet. Lecture par chacun d'une ou deux feuilles. Puis, écriture personnelle qui s'intitulera "Propositions de bonheur" (expression que nous empruntons à P. Bonneau). Lecture.

2 – Interview de P. Bonneau qui nous parle de son travail de photographe. Prise de notes par chacun.

3 – On écrit à partir de là un nouveau texte qui s'intitulera : "Paroles de celui qui fait". Lecture.

4 – Le dimanche matin, la nuit ayant porté conseil, nouveau texte : "Apports dans le séminaire de Fili de la présence physique de l'artiste et de ses productions." Lecture.

 


 

***

Les auteurs.....

Odette Neumayer
Arlette Anave
Geneviève Bertrand
René Cohen
Monique d'Amore
Christiane Lapeyre
Michel Neumayer
Claude Ollive
Marie-Christiane Raygot
Richard Richard


 


"Écrits en regard"
Il fallait bien dire quelque chose de ce qui avait été et qui ne serait jamais plus comme avant. On percevait à présent comme un silencieux décalage.
Le temps avait opéré une discrète censure dans cet empilement.
La machine à froisser du vent se tenait prête, sa délicatesse naturelle l'obligeait à se faire un festival d'un fourmillement d'étoiles qui crissent.
- Pourquoi vouloir tout dire, semblaient demander les roseaux ? N'avons-nous pas déjà donné tout notre suc ?
- Balayez devant votre porte, répondirent les papillons. C'est bien assez qu'un esclave se soit envolé, la liberté en bandoulière !
 

Odette Neumayer


"Paroles de celui qui fait"
Un yucca géant gisait à terre, terrassé par l'hiver.
Dans le salon, Glenn Gould jouait les Variations Goldberg.
- N'y touche pas ! dit-il à l'ami, sécateur en main. J'ai besoin de trouver d'autres paysages à réinventer, le yucca est un sujet qui se prête bien à la transmission de la matière. Je vais tenter de redonner du mouvement à cette masse verte et inerte.
Et il se mit à déambuler, à tourner autour, de manière répétitive. Il prenait son temps, et le temps d'un croquis, il installa son dos panoramique sur le vieil appareil acheté chez un antiquaire en Arles, appareil à soufflet et en bois, qu'on ne trouve plus à l'heure du numérique.
Il déclencha une succession de prises de vue, de telle sorte que dans chaque image se retrouve un élément de la précédente.
Le yucca ne broncha pas. Il savait qu'à son corps défendant il servirait d'archives à l'avenir.


Odette Neumayer.
 

Dimanche 17 mai 2009
Ce que nous apporte la présence de l'artiste
"Bonheur de la surprise ! Sans aller au musée, nous sommes au musée.
L'artiste a consenti à sortir de sa bulle. Il s'est exposé ; nous invitant à en faire de même, posant par là une sorte de fraternité de créateurs, car celui qui regarde devient créateur à son tour de l'œuvre exposée.
Et puis, vient le moment où l'observation minutieusement faite a abouti à un premier texte, de bric et de broc, de broc et de brac. Du ressenti, on joue avec les mots, on organise la contingence, on tente de dire comment et où cette exposition nous a touchés.

L'artiste-photographe écoute. C'est la première fois que ses œuvres lui sont parlées sur ce mode. Jamais l'écriture n'est posée sur ce qu'il choisit de cadrer.
Sur les entrefaites, nous le faisons parler à son tour sur ses manières de faire, ses habitudes, son rapport au temps, à la matière, à la campagne et à la ville. Il se raconte. Nous le voyons petit garçon. Comme nous, il a photographié ce qui lui était proche. Nous partageons certains souvenirs sans le dire. Nous nous sommes nourris de ses paroles pour écrire. Chacun a fait son beurre à partir de ce croisement d'imaginaires, mais aussi à partir de choses vues, et des paroles de cet étranger au groupe.
Et, miracle ! Les textes sont venus, comme autant d'adresses à un destinataire présent ; chacun avait à cœur de lui dire ce qu'il ou elle avait retenu et valorisé, ce avec quoi il ou elle allait repartir, l'essor qui lui avait été possible. Moments de partage où le plus d'une présence physique et créatrice permet un bouquet de référents communs, de régénérescence.
Conclusion : ouvrir le groupe aux propositions de bonheur.

Odette Neumayer
 

 

 

 

 

C’est le 17 mai 2009. Une journée de Filigranes.
Un homme est assis parmi nous.
Il a suspendu ses photos, fruit d’une réflexion de plus de trente ans avec ses maîtres : Doisneau le tendre, Cartier-Bresson qui cadre plus vite que son ombre. Il connaît leur univers, il a travaillé avec eux, il a envie maintenant d’en tâter un peu, de s’approcher de l’objet, mais aussi de s’abstraire de la forme, viser la structure, il a besoin de prendre son temps. Il dit des paysages : je laisse ça aux peintres.
Ce n’est pas méprisant, plutôt comme un projet que l’on remet à plus tard, une promesse à mi-voix, l’énoncé d’une autre urgence.
Le gris, le noir en tant que couleur. Il dit son plaisir de les mélanger, d’en extraire les valeurs sur un infini nuancier.
Il expose ce bonheur, il en parle : mixer du platine, le déposer sur une surface sensible. Il ressemble bien au peintre alors, mais aussi à l’écrivain devant sa feuille ou au maçon devant son mur, attendant de son propre geste la trace d’une intention.

Cet homme assis devant nous découvre l’énergie que donne la présence au monde. Peu importe comment il est assis, les détails qui l’entourent, il est surpris. Il écoute d’autres bruits que ceux habituels de ses expositions. C’est comme si un oiseau devenait audible, que son chant lui parvienne à travers les feuilles, les joncs, les bambous qu’il a photographiés. N’était-il pas là pour voir, pour montrer son œuvre ?
Là il écoute ce que l’on dit à son propos, on l’a traité d’ami ce n’est pas rien. Puis il comprend qu’on parle au-delà de lui, d’un objet qu’il partage avec nous, de l’art tout court.

Il explore avec nous le lien entre acte et parole, c’est du moins comme cela que nous décidons, l’écouter avec une consigne élémentaire : parole de l’homme qui fait.

C’est différent alors, un temps superposé, le geste découpe aussi le silence. Le silence comme épaisseur de la matière.

La matière seule séduit trop. Qu’elle coule dans son lit ou lui résiste, même si elle le plie à ses volontés, l’homme sait qu’ensemble, de bonne guerre ils feront quelque chose : Un papier, un peu de platine et hop ! on est à la plage, hop ! on est dans l’écran des jours et des nuits.
On monte vite un intérieur, un extérieur, comme ça, bric et broc, bric à brac. On est dans le sujet, le bras accompagne, la hanche participe, le poids n’est plus un problème. L’enthousiasme aidant on dresse le totem de soi-même, il ne lui manque que la parole.


Parole, silence, matière ?

Un graveur sur marbre creuse tout seul au cimetière. Il choisit le matin, il fait moins chaud l’été, les oiseaux se posent sur les tombes voisines.
Il traverse leurs espaces silencieux. Il grave ce que vous lui demandez, aucune larme ne lui est étrangère. Une seule de ses lettres pèse son poids de réel. Elle a une fonction de coupure, d’arrêt.
Elle coûte plus que de coutume. Elle ne dit pourtant que des fadaises…

Pascal Bonneau ne grave que la pellicule, mais il m’ouvre des pistes.
Pour moi, aussi loin que je me souvienne, elles vont vers la plage, ses rangées de canisses qui abritent les cabanons, ses étendues de sable où les enfants rient, m’éclaboussent avec leurs ballons, libres, volages dans l’air léger, Dans le soleil, à travers ma lecture, ils plantent le bonheur.
Pascal Bonneau, tout à ses perspectives, l’a mis devant moi.

Même s’il est très gentil, qu’il nous laisse tourner ses photos dans tous les sens, il ne sait pas ce qu’elles évoquent pour chacun. Il va découvrir dans notre regard, dans nos paroles, ses propositions de bonheur.

Arlette ANAVE
 

 
 

 

Bambou palladium


Ce tremblement
par où se déclenche l’écriture
Ce passage
du silence au geste encore inarticulé

Surgissement du brin d’herbe
Incapable encore de vibrer au vent

Hésitation à être

Magnétisme végétal qui aspire la terre vers le ciel
Bambou de haute lice
Traversé par le vide
Prairie libre chevauchant l’espace


Germination des mots rythmés d’ombre et de lumière
Vibration grise d’une feuille……… mémoire retrouvée

Et puis le nœud
Répété à la verticale du lieu racine
Passage à un autre niveau de conscience

Le regard s’aiguise …….. nuancé de gris et de noir
Regard de platine
Attendre
Patience infinie de l’attente


Peau en éveil
Devenue pellicule sensible
Où s’inscrit le bruissement des feuilles
Traits d’encre en surimpression


Éternité végétale gravée sur palladium
Pollinisation de l’écriture

 

Celle qui n’était pas là
Geneviève Bertrand
 

 
 

Leçon de lumière

à Pascal Bonneau

En tant qu’il est un écrivain de la lumière, le photographe qui reçoit mes louanges exerce son regard suréveillé dans sa joie à reconnaître la Beauté à son point de source. Il s’approche du cœur retiré de ce monde avec une attention princière pour rassembler une vie sans cesse en voie de morcellement. Pour empêcher la fleur d’invisible de faner.
En tant qu’il est le sourcier de nos étonnements, il nous invite à nous extraire de la caverne, hors de nos yeux figés par l’ordinaire distrait, afin de recueillir les gloires fugaces que nous masquent les ombres portées du réel. Il promène sa lanterne sur l’univers à la poursuite du trésor perdu et éclaire d’une main de fée ce qui se révèle sur la plaque sensible de l’être.
En tant qu’il habite l’instantané, il nous apprend ce toucher d’âme immédiat dont les peintres ont la primeur. Il invente sur-le-champ la juste distance qui fait s’élargir le ciel et sa voûte suprême de silence.
Ce photographe épris d’absolu est un chercheur d’or, agitant le tamis de ses vigilances accrues pour dévoiler les carats égarés dans le gravier des ronces. Pour sauver le frêle et précieux sans cesse voué à la disparition. Il accueille ses images plutôt qu’il ne les prend, comme au matin de lire, dans la cérémonie du sacre. Il développe des égards de satin bleu vers l’amitié qui lui vient du présent sans prestige, de la grâce fiévreuse d’un feuillage ou des remises à outils des maisons ouvrières aux anémones triomphant de l’éphémère par la probité de leurs prunelles tremblantes. Jusqu’à convertir sa chambre en chevalet pour épouser et servir la bonté commune.
Doté d’une vue imprenable sur une terre abondante, l’artiste a affaire à l’inaperçu de la pureté tel le poète célébré par René Char comme le « conservateur des infinis visages du vivant ».

 

René Cohen
(Juin 2009 )


 

 
 

 

Un mot apparaît que je connais. Il a changé de costume, le décor a mué. Un champ se découvre, laissant apparaître un nouvel intérêt pour ce mot, peut-être laissant deviner pourquoi je m'y intéresse et me livrant quelques clés : je sais que je l'aime, ce mot, mais j'ignorais qu'il fait partie de mon histoire. Il jouait à cache-cache avec moi.
Prenons le mot « étranger » et toutes les représentations qu'on peut s'en faire. Avec les bleus des toiles de Marc Lasserre, une autre scène est apparue, l'étranger a montré un peu plus de son mystère, j'ai pu reconnaître l'étrangeté du monde ainsi que ma propre part d'étrangeté. Celle que je projette du moins. Le mot s'est fracturé, les sens se sont abîmés, des dates sont apparues, des infinis ne se sont pas rejoints.
Puis il y a eu la mise en texte, un cadre où peut se dire la fracture. Le défi consiste à traduire cette expérience, entre absence et subjectivité. J'y suis puisque je dis « je », toujours d'ailleurs, mais de traduire ce vécu presque passivement.


md'a, le 17 mai 2009.

 

 
 Premier texte

Parole de celui qui fait
Tout est question du regard de l'artiste. Il n'agrandit pas la réalité, il la découpe entre les barreaux. Cerner donne de la profondeur, capte le regard pour le transformer à travers les fragments. Le découpage de l'image ou sa répétition permet de réinventer le mouvement.
La série permet aussi le mouvement. La tête entre les barreaux, il fait surgir autre chose : avec des fragments de réel, il nous montre des abstractions pour ré-enchanter le monde.



Deuxième texte
Comment avons-nous fait pour écrire hier?

Dans un premier temps, j'ai écrit grâce au dispositif qui faisait appel au support comme prétexte : la qualité des photos de Pascal Bonneau. Grâce au nombre, aussi. Important le nombre. Au début c'est assez facile de jeter un fragment. Mais, si je ne veux pas me répéter, cela nécessite d'aller puiser plus profond dans mon imaginaire, dans mes émotions, à condition que les photos le permettent. Laisser monter ce qui advient, le saisir, le jeter sur le papier, sans retenue.
Le deuxième temps, j'ai choisi une photo et je me suis appuyée sur tous les fragments proposés par le groupe. J'ai pris les mots des autres, je les ai mêlés aux miens. Des images nouvelles ont surgi, me poussant dans des voies que je n'avais pas prévues, parce que les photos disaient ce que je ne savais pas encore.
Quant au troisième texte, je me suis appuyée sur les dires de l'artiste. J'ai recomposé des éléments qu'il a peut-être dits, ou qu'il aurait pu dire. Cela devenait un peu de lui, un peu de moi. Comment ? Dans quelle proportion? Je ne sais pas tout de cette alchimie. Je n'en connais que le bonheur d'avoir écrit ce qui me correspondait le mieux.

 

Christiane Lapeyre

 
 Texte N°1, 16.05.09
"Tous les opposants ayant été réduits au silence, on s'était attelé à la tâche, la grande tâche, celle de dupliquer enfin le réel car l'hypothèse de sa disparition était désormais dans tous les esprits. Une armée de photographes avait envahi le paysage, saisissant à tour de bras arbres, blé en herbe et cannes à sucre. Chaque soir, ces hommes et ces femmes, habitants de tous les pays, de tous les continents, déposaient dans de grandes boîtes noires la récolte du jour, mille et un cartons rectangulaires portant stries, séries de points, tiges et feuilles plus vrais que vrais, pleins d'ombre et de lumière. Pleins de brume aussi, de soleils pâles, de reflets.
Un grand pas était franchi. L'humanité ne disposait plus d'une, mais de deux, trois, dix terres de rechange, sous verre, sous cellophane. Facile à classer, à archiver, à étiqueter. Non, pas tout à fait, car c'est avec l'étiquetage que les premiers problèmes de la nouvelle ère commencèrent. Quelle pertinence accorder, en effet, à ces mots clefs tels que "horizons froissés" ou "frisottis végétal" ? Pouvait-on, à propos de la même vue, accepter "froissement de feu", ou fallait-il préférer "feu d'artifice concentré" ?
On constitua une commission internationale sous l'égide de l'UNESCO, mais celle-ci commença par débattre de son propre nom…"

Michel Neumayer



"Parole de celui qui fait"
J'aimerais vous redire ce que le palladium platine m'a confié, mis je ne sais pas si nous aurons assez de temps. Assez de temps pour évoquer la nature, la consistance du métal. Assez de temps pour évoquer les circonstances : la température ambiante et son influence sur la densité plus ou moins grande de la matière, l'hygrométrie, et puis les précautions à prendre pour conserver, pour préparer la chose.
J'aimerais vous parler de la manière de l'étaler sur la feuille cartonnée, le rôle de la raclette, la nature des différentes raclettes possibles et la façon dont la matière couvre le carton et s'imprègne, la façon dont elle adhère au support. Mais cela pourrait vous lasser.
J'aimerais vous parler de l'exposition à la lumière, du corps du photographe qui manipule, qui attend, qui chronomètre. Mais, au bout du compte, de quoi aurai-je parlé ? L'addition des éléments séparés des autres, leur bout à bout ne dit pas le tout. Tout au plus, nous permettent-ils de voir autrement certains détails et de donner plus de poids encore au grain de la brume, au liseré qui sépare telle zone de telle autre, à ce yucca qui paraît être une bavure et qui, en réalité, figure les minuscules moignons de la branche que le bûcheron a laissés lors de l'élagage.


Michel Neumayer

Ce que nous apporte la venue d'un intervenant ? (17 mai 2009)
Ce que m'apporte la venue d'un intervenant ?


Le choc salutaire d'une œuvre construite dans la durée. Salutaire, car j'ai l'impression avec Filigranes, mais aussi avec les ateliers d’écriture, que nous sommes toujours dans l'inachevé, dans le ponctuel. La venue de Pascal est une invitation à réfléchir à la différence entre des textes d'ateliers, des textes de séminaires et une écriture longue, plus complexe, plus centrée sur elle-même ; je vois bien, avec la fabrication du livre du LIEN (Lien International d'Education Nouvelle www.gfenprovence.fr) la complexité d'un projet d'écriture : les moments de doute, les moments d'euphorie, les longues phases de fabrication artisanale, les repentirs, les trouées, l'irruption du nouveau, les ruptures, le patient travail de finition.
Connaissant bien les ateliers d’écriture, défendant mordicus ces situations de découverte, je veux contradictoirement aussi m'interroger sur leur risque, le risque d'un processus d'écriture qui, à peine entamé, se pense souvent achevée. Ou ne sait pas comment se poursuivre. C'est la face cachée du "tous capables" : se découvrir capable, bien sûr, c'est essentiel, mais cela ne doit pas occulter la nécessité de penser la suite
Je m'interroge sur la manière d'aborder avec FILI la question de la continuité, de la longue durée. J'aimerais lire les historiens à ce sujet et d'autres aussi (psychanalystes, anthropologues) pour complexifier cette pensée, pour mieux conceptualiser. Car ce qui guette, c'est la fuite en avant de numéro en numéro.

Découverte, redécouverte d'une dimension historique que j'aimerais questionner en ce qui concerne l'écriture contemporaine, en ce qui concerne FILI. Où sommes-nous dans cette histoire ? Avons-nous réfléchi à nos filiations ? Sont-elles encore productives ? Que comprennent de ces filiations ceux qui n'ont pas vécu notre histoire ? Quand Pascal dit : "plus je travaille, plus je me heurte à des difficultés diverses, plus je me retourne vers les impressionnistes", cela doit nous faire réfléchir. Et nous, vers quoi nous retournons-nous à titre individuel, à titre collectif ? Avons-nous même ce réflexe, comme en bateau, de "refaire le point ? Quelles sont nos boussoles, nos sextants ?
Que sera l'archive de nos réflexions collectives de ce jour.

Michel Neumayer

 

 
 Proposition de bonheur

Fil à fil, tresser, tisser le rêve entre trame et chaîne
Cheveu à cheveu, au peigne fin
Lisser, aérer, effiler
De la natte serrée, torsadée, dénouer les liens.
Dans un éclat de lumière
La touffe s'ébroue, chuchotements de soie
Chevelure en fête aux essences de tiaré
Frissons du vent
Parfums de folie
Des chants d'oiseau
Aux envols ébouriffés
Dans les dentelles du soir
Esquisses d'estampes
En filigrane...
 

Claude Ollive



Paroles de celui qui fait

Je suis long à la détente et pourtant c'est dans l'instantané que cela se joue.
Une technique du 19ème siècle pour passer les siècles car le platine et le palladium sont inaltérables, plus durables que leur support.
Je pose ma boite à soufflet et me prête à ce que me dit, me souffle l'arbre...
Ces barreaux, ceux entre lesquels je passais ma tête au zoo de Vincennes, sont le chevauchement d'un cliché à l'autre. Le maximum que je puisse faire est six. Il n'y a pas d'enfermement, regardez il y a une issue, un passage...
Le noir et blanc, la vibration des gris donnent cette couleur qui n'est pas là mais derrière le sens que chacun y trouve.
L'abstraction je m'en approche : écoutons voir !

« Ça file dans le sens du courant, jouant entre ombre et lumière, ne pouvant remonter le temps »
« Séquences génétiques »
« Rigidité, contrainte des barreaux »
« Qu'est-ce qui se cache derrière »
« La voix des roseaux »
« Le recommencement malgré les murs »
« Les quatre horizons du crépuscule »

Les vibrations d'eau des nymphéas... retour impressionnant du 19ème siècle!
 

Claude Ollive


S'abandonner à la contemplation et plus rien n'existe.
Franchir des frontières inconnues, aborder un monde nouveau, transcendant.
La grâce d'une écoute nouvelle et le désir de partager, de découvrir, de comprendre ce qui anime cet artiste qui me transporte sur des chemins d'émotion, de fragilité. Coup de foudre et de tonnerre qui d'écho en écho me relie à des découvertes antérieures, fouillant mes archives émotionnelles, explorant la grande bibliothèque enfouie trois fois dans les sables de Chinguetti. Invitation à ouvrir le livre de la Sagesse et dans un élan irrépressible, prendre mon cahier d'écriture, parchemin nouveau pour des calligraphies antiques...
Alors le flux des mots bouillants, la frénésie jaillissante, une fièvre qui emporte ma main tremblante, mon cœur battant délivre ses sensations, vibrations aux larges variations ou, au contraire, les mots se culbutant entraînent comme un château de cartes un nouveau chantier à construire, des détours d'étonnement, un regard nouveau.
Le poème se construit, la musique, le rythme engage une mélopée pour dire à ce créateur combien notre rencontre est heureuse, bouleversante, troublante même.
Envie de partager cet instant et d'offrir en retour, en cadeau, le sentiment de s'être approché dans la joie de la Beauté.
 

Claude Ollive
 

 
 
"Dans ces feuilles larges et drues, je bâtirai mon église"

Au centre de l'obscurité des lames de lumière. Elles glissent entre chaque tressage de feuilles et tombent sur le sol ocre de terre battue, de simples bancs de bois sont alignés. Deux grandes arches de palmes entrecroisées forment l'entrée. Ici pas de clocher mais au centre, découpé sur le ciel, un petit monticule de palmes où se dressent en croix deux cannes peintes. L'endroit est paré de silence, de fraîcheur, on vient s'y baigner un moment avant de retrouver le tapage du grand soleil, le lent écoulement de la foule sur la petite place.
 

Marie-Christiane Raygot
16 mai 2009


 

 
 Lettre de PB pour Filigranes, le samedi 16 Mai 2009.

Amis,

Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant que j’ai la tête dans les arbres. C’est mon thème. Puis, j’intercale des variations.
Le végétal, c’est mon élément. J’essaie de lui donner un mouvement dans sa fixité.
Le végétal, ça bouge plus que ce que l’on croît.
Il faut que l’image bouge, qu’elle vive, même si je la mets dans la boite, même si je l’étale.
Je suis long à la détente. Je ne voie pas tout de suite. Il me faut toujours un temps d’imprégnation. Puis, je me campe là, avec mon appareil. Je règle, je vise. Il est l’interface entre le végétal et moi.
Je travaille à l’ancienne comme au 19éme siècle. J’ai rien contre le progrès car je me sers de Photoshop et de tout le bastringue informatique. Mais, face au végétal, je suis comme au 19éme siècle. De plus, j’utilise le Platine et le Palladium pour le Noir qui fait vivre les gris. L’argentique est trop banal. Mes constructions végétales, je les étale sur le papier, je les tire, je les chauffe aux UV, pas au soleil. Le soleil me joue des tours avec les saisons. Avec cette technique, le problème c’est que je ne fais que 5 ou 6 exemplaires. Tant pis, au 19éme, ils ne connaissaient pas Andy et la Pub.
Maintenant, j’aspire à rendre la nature abstraite. Ces nouveaux paysages me permettront d’ouvrir les yeux sur d’autres horizons. Pour cela, je compte beaucoup sur la valeur des noirs couleurs, leurs intensités, et sur la construction. Entendez par là que la construction sera mon nouvel angle d’attaque dans mes photos. Maintenant, je ne ferai presque plus de pérégrinations aléatoires, j’opterai pour la construction.
J’espère ne pas vous inquiéter dans mes nouvelles investigations.

À très bientôt, PB.
 

Richard Richard
 

 
   

L'époque du numérique bat son plein...
...
et saisit ces "fragments de vie" dans la Nature. Ces flashes d'instants passés deviennent intemporels, une mise en mémoire qui peut revenir sans cesse. Des paysages arrêtés sur image se donnent à voir au petit matin, le soir, estampés de brume, évoquant la vie naturelle, tranquille qui "se la coule douce", en apparence, hors du stress écrasant et quotidien de la gente humaine.
Ces champs, ces arbres, ces herbes là, évoquent d'autres lieux, d'autres vécus. On devine l'invisible bruit qui rime avec le vent, avec labeur et sueur. Le grain argenté entre blanc, noir et Sépia, laisse libre cours à l'imaginaire de chacun, qui peut s'en saisir, s'approprier ce qui est suggéré en filigrane. Certains clairs-obscurs iodés cristallisent la lumière ; les effets miroirs sur les vitres troublées la renvoient. L'alchimie au sel d'argent, semble noircir l'image tout en dessinant le contexte impressionné et, soutient la présence absente. La lumière délimite les formes, le mouvement identifie.


Une nouvelle politique culturelle se met en place autour du médium "photo" dans les années 1980. Le Pictorialisme* attire cette technique. Êtes-vous "photo-sensible" ? Votre regard créera d'autres images qui enchaîneront un lien entre vous et l'auteur de l'événement suspendu, encadré, figé un instant… Ces "prolongements aux multiples facettes" de l'auteur, ne sont-ils pas un "héritage de l'Antiquité (qui) est comme la Nature elle-même, un vaste espace à interpréter : ici et là, il faut relever les signes et peu à peu les faire parler." (Michel Foucault)


* Notes à propos du Pictorialisme.
Terme utilisé par les milieux photographiques européens et américains, dans les dernières années du 20ème siècle, pour désigner une tendance tournée vers les valeurs formelles de l'image. Cette tendance se caractérise par l'adoption de tons chauds et flous (dérivés de la peinture impressionniste), ainsi que de thèmes académiques et se fondent sur des procédés élaborés de tirages. La technique de la photo est basée sur un système analogique. Son avenir dans le système numérique est déjà bien entamé. Nous gagnons en précision et en fidélité de l'image mais perdons en plaisir de manipulations techniques personnalisées.

 

Any Souchot.