UN TEXTO
À Filigranes, la poésie tisse une salle d’ombre, face au grand
soleil.
C’est une nichée d’oiseaux et comme Saint François, nous leur
parlons, de notre assise.
Quelques mouvements à l’heure du repas mais toujours, silence et
verdure.
Myope et presbyte, j’ai l’avantage de me transporter facilement d’un
point à l’autre suivant que l’objet m’apparaît flou ou précis.
Au delà des oiseaux j’écoute donc tous ces points de vue.
Aucun projet ce matin et comme ce défi d’être l’oiseau pour l’autre
:
« Je voudrai qu’on m’accepte avec ce rien, pour ce rien »
Ce n’est pas rien pourtant ce qui file, la dernière conversation,
une remarque,
Qui fait buter la pensée, l’éloigne du cours de la vie, l’incite au
retour, à la répétition.
À Filigranes, la vie se recoupe, se retourne, croit à ses chemins.
Il y en a un qui revient sans crier gare.
C’est un « texto » comme on l’appelle. Un petit texte sur un
téléphone mobile,
De ma cousine lyonnaise après notre long coup de fil.
Perçu presque distraitement entre les messages qui restent d’hier et
ceux d’aujourd’hui. Comme une ritournelle qui ne questionne rien :
« Chaque fois que tu me parles d’une bande, tu me dis que tu te
demandes ce que tu fous là. »
Comme une note de musique.
Je ne suis jamais arrivée à écrire un texto : trop long ces lettres
inaccessibles.
Et l’écran : trop petit.
J’aime bien m’étaler et me rendre gratuitement et immédiatement loin
d’ici, les jambes au repos grâce au téléphone auprès d’amis chers.
Mais je n’ai pas l’habitude d’une telle ponctuation dans le tendre
océan de leur bienveillance.
Au delà de notre conversation, ce texto dit bien ce qu’il dit : je
t’écoute.
Ainsi un mot, mis de côté, à l’écart, préservé des rencontres
quotidiennes, des émotions, de la série des tâches.
Un mot comme un rêve qui vous rappelle à la réalité, la vôtre,
réelle poésie de la pensée.
La pensée comme elle va, libre, vagabonde, paranoïaque et ce mot qui
la force à la poésie
du trait d’esprit.
À Filigranes, ces temps sont respectés. Ce qui advient est digne
d’être écouté.
C’est pour cela que j’apprécie ce lieu et les humains qui se
partagent les mots de chacun.
Car, à peine formulés, dès qu’une voix les saisit, ces mots
parcourent l’espace avec la célérité des oiseaux, aux limites du
chant.
Arlette Anave
(Mai 2010)
12H30 – 14H
Un jour de
séminaire à Aubagne
Ouvrir la porte sur la pinède après ces heures à archiver la mémoire
(ou le contraire), à tisser les fils jaunes et bleus de petits
secrets et des grands évènements de chacun réappropriés par le
groupe, à se questionner sur l’objectivité et le parti pris.
Ouvrir la porte, respirer l’odeur du froid après la traversée du
petit nuage de fumée de Pierre sur le bacon
Tous les « pique niques tirés du sac » en partage sur un coin de
table débarrassée des livres et notes. Partage vital, autant que
celui de l’écriture
Générosité, abondance. Ne pas oublier le verre de rosé
Les mots tournent, se superposent, s’entrechoquent… les assiettes et
les verres aussi
Voir Anne-Marie, Jeanine – Arlette si peu – Françoise à peine –
Marie-Christiane aperçue.
Odette tape dans ses mains pour signaler la fin de la récré et le
début d’une nouvelle création - dans l’urgence encore.
Celle du désir de
dire, de rencontrer l’autre dans l’écriture, d’avancer plus loin
encore dans cette aventure commune médiatisée par l’existence
obstinée de la revue.
Question : qu’en est-il de l’objectivité subjective de ce compte
rendu, à croiser avec cinq ou six autres subjectivités non moins
objectives???
Geneviève
Bertrand
31 janv. 10
De 12h30 à 14h le
31 janvier 2010…
Un jour de séminaire ordinaire
Voilà trois fois que je regarde ma montre. Claude prend son train à
13h06 en gare d'Aubagne et Michel doit l'accompagner. Je crains que
la discussion ne s'étale et que nos amis ne partent en retard.
Pourtant, la discussion est passionnante, avec des phrases choc et
définitives (cf. mes notes).
Les voilà partis.
Il s'agit maintenant d'organiser la table du repas, d'installer ce
que chacun a apporté – sucré, salé – salades diverses, lentilles,
aubergines, endives, charcutailles, quiches et autres, sans parler
des gâteaux au chocolat, des innombrables tartes aux pommes, des
fromages, des vins rouges et rosés…
Chacun se sert. Pierre suggère de réserver une assiette pour Michel.
Je m'exécute avec plaisir. Chacun parle avec son ou ses voisins.
À 14h, il est difficile de rassembler tout le monde. Pas eu le temps
de bavarder avec tous. Comme si le fait même de parler allait amener
une déconcentration néfaste. C'est pourtant aussi l'envie de
communiquer, d'échanger qui nous fait venir ici. Parfois, on
parvient à confier un sentiment, le titre d'un livre ou d'un
spectacle à voir absolument. Les bonnes nouvelles sont lancées
publiquement et chacun se réjouit. Les mauvaises se disent à deux ou
trois, selon les affinités. Pudeur de se livrer autrement que par
écrit. Là, tout est permis derrière l'écran des mots ou de la
fiction…"
Odette Neumayer
22/02/2010