Emprunts, empreintes

Filigranes N°102
"Emprunts, empreintes"
Printemps 2019

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Cursives

 

Emprunts, empreintes,
"aubes des images"

Sur le double registre de l'emprunt et de l'empreinte s'ouvre ce numéro. La formule semble aller de soi et les termes qui la constituent, chacun pris en lui-même, ne pas vraiment poser question. Mais que cachez-vous homophonies, si séduisantes d'en être presque parfaites ?

Une cohérence assurément : celle du maillage humain, de notre dette à autrui, de nos attachements, je crois.

Toujours précédée d'œuvres de toutes sortes, lesquelles en sont le terreau, aucune création ne naît de génération spontanée. C'est bien parce qu'on a lu / vu / entendu, que l'on lit / voit / entend, et qu'un jour l'on décide de produire à son tour.

C'est parce qu'on a aimé qu'on souhaite refaire, qu'on cherche la proximité, une manière de retrouvaille, un héritage que l'on se reconnait.

Alors foin des accusations. Répétition ? Plagiat ? Non, jamais, car oui, nous créons sous influence. [Je] veut être un autre et il l'est ! [Je] décide de prendre, de transformer, de poursuivre. [Je] signe et, en mon for intérieur, [Je] sais ce que [Je] dois !

Mais copier, emprunter, ne serait-ce pas tricher ? Imiter, c'est créer, rétorque Picasso. Van Gogh pensait à Millet, Degas aux grand maîtres, Giotto à Cimabue (1) !

Tableaux, musiques, photos, carnets, leur présence à nos côtés nous est essentielle. Ce sont aussi citations, références savantes, allusions qui font signe, et encore objets en échos. Toutes et tous ouvrent des espaces. Vers d'autres scènes, ils nous portent. Vers le mystère du travail cristallisé en eux. Vers la beauté qui sidère. Vers une interrogation sur notre propre regard.

Ils intriguent, tant nous aimerions d'eux connaitre la face immergée et comprendre l'éclair d'affinités qui soudain nous a traversés.

De certains, il arrive même qu'ils nous envahissent et font de nous leurs obligés !

Alors lisons plus que jamais sous la surface des choses. Mettons-nous en quête du rhizome. Au cœur des cristallisations, interrogeons croisements et germinations. Toujours, vous verrez, nous serons dans le lien.

Et c'est encore une poétique de l'écart qui s'insinue entre ce que nous avons reçu et ce que nous produisons à notre tour, page après page. Un art de la ruse qui se donne à lire. L'aveu, tantôt assumé, tantôt masqué, d'une filiation.

Imprévisible pourtant, contingent, irréductible à toute logique élémentaire, demeure le poudroiement d'images-mémoire nées de nos fréquentations. Que son surgissement soit ainsi notre bonheur, bien au-delà de ce qui, un jour, résonna en nous et dont nous avons voulu garder trace ! Que la création, d'être revenue à ses sources, nous soit l'inattendu, surpris de nous être à notre tour inscrits de cette manière singulière dans la succession des travaux et des jours.


M.N.

 

(1) Christelle Belime, "Copier est-ce créer ?" - Mémoire (IUFM Bourgogne)
https://www2.espe.u-bourgogne.fr/doc/memoire/mem2006/06_05STA00694.pdf

(2) Denis Vialou, paléontologue dans le sillage de Leroy Gouran, en écho à notre propos, évoque «l'acquisition symbolique des formes dans un ordre logique et chronologique, comme si {depuis la préhistoire} les "formes recueillies" précédaient les formes "inventées", comme si le montage précédait l'image, comme si l'exposition précédait le tableau, comme si le global inventait le local". Georges Didi Huberman, L'empreinte, catalogue de l'exposition éponyme (Centre Pompidou 1997).

 

 

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Éditorial

CHAMBRE D'ÉCHOS

Michèle MONTE, Chemin
Marie-Christiane RAYGOT, Intérieur
Laure-Anne FILLIAS, Une robe de dentelle blanche
Paul FENOULT, Mise à nuit
Cathy JURADO, Matisse de février
Michel NEUMAYER, Cy
Pascale LASSABLIERE, Le vieux carnet
Bernard MAYAUDON, La nuit fait naufrage

 

UN MONDE S'OUVRE


Teresa ASSUDE, Du clair-obscur
Jean-Jacques MAREDI, Le tableau magique
Marie-Noëlle HOPITAL, Chemin d'hiver
Anne-Claude THEVAND, Au commencement était
Oleg DE ROBERTY, Mystère des générations
Chantal ARAKEL, L'eau-forte
Claude OLLIVE, L'eau-mère


CURSIVES

"Éducation populaire, cinéma et création à Marseille", un entretien avec Jean-Pierre DANIEL, cinéphile, cinéaste et acteur 'Éducation Populaire, fondateur du cinéma Alhambra à Marseille (15è)

"Un autre cinéma, du côté de l'Estaque", Arlette ANAVE

 

VIE COMMUNE

Roland VASCHADE, Plagiat assuré
Christian ALIX, Qui chantera désormais ?
Annie SKRHAK,Empreinte du vent
Arlette ANAVE, Peintures
Anne-Marie SUIRE, Lettre à ma nièce
Françoise SALAMAND-PARKER, Poème d'amour
Jeannine ANZIANI, Où il est question d'un sous-préfet
Laurent THINES, La frustration
Claude BARRERE, Du soulèvement des songes
Georges XUEREB, Il y a 6000 ans déjà
Olivier BLACHE, Au bout du quai
Stéphanie CERDEIRA, Le vu se mêle au lu

 

Les illustrations - Couverture & p.16-17 - de ce numéro sont de Bernard MAYAUDON

 

 

 

 

   

 

 

 

FILIGRANES  (filigran) n.m. (1673) du lat. "filigrana" fil à grain).Ouvrage fait de fils de métal (argent ou or),de fils de verre,entrelacés et soudés. Dessin qui apparaît en transparence dans certains papiers.

(Fig.) Lire en filigrane, entre les lignes, deviner ce qui n'est pas explicitement dit dans le texte.